Le 6 juil. 2020
Agents pathogènes transmis par les tiques en Corse
Une première enquête avait révélé l'existence de 9 espèces de tiques en Corse (cliquer ici pour plus d'informations). Cette nouvelle étude qui est le fruit d'une collaboration entre l'INRA de Corte, le CIRAD (Montpellier) et l'ANSES de Maisons-Alfort a permis de détecter 11 agents pathogène dans les tiques collectées en Corse.
Recherche simultanée de 41 agents pathogènes
Une "puce à PCR" à temps réel à haut débit mise au point à l'ANSES de Maisons-Alfort a été utilisée pour la recherche de 27 bactéries des genres Borrelia, Ehrlichia, Anaplasma, Rickettsia, Bartonella, Francisella, Coxiella et Neoehrlichia, et de 12 espèces de parasites des genres Babesia et Theileria. Les tiques analysées (individuellement ou groupées par pool) ont été collectées sur les différents espèces animales vivant en Corse. Elles provenaient de 82 communes. Le virus de la fièvre hémorragique de Crimée Congo (CCHF) a été recherché individuellement dans plus de 1 000 tiques.
L'ADN d'au moins un agent pathogène a été détecté dans 48% des échantillons. Toutes les espèces animales prélevées étaient porteuses de tiques infectées.
Agents pathogènes des tiques corses
11 agents pathogènes ont été identifiés dans les tiques corses. Sept ont été détectés pour la première fois en Corse et également 7 sur les 11 sont zoonotiques. Les bactéries des genres Rickettsia (détectées dans 29% des pools) et des genres Anaplasma (19%) étaient les plus présentes.
Perspectives sanitaires et médicales
Certains agents pathogènes et notamment Anaplasma phagocytophilum ne sont pas recherchés en routine. Anaplasma phagocytophilum est responsable d'une pathologie sévère chez les ruminants domestiques, "la fièvre des pâtures".
Les espèces de Rickettsia identifiées en Corse sont responsables de fièvres boutonneuses chez l'homme (forte éruption cutanée avec une hyperthermie élevée). Leur pouvoir pathogène chez l'animal est discuté mais leur forte présence dans les tiques corses devrait encourager leur recherche car elles pourraient être responsables de pathologies chez les animaux parasités et/ou immunodéprimés.
Theileria annulata n'a pas été identifié dans cette étude. Ce parasite est responsable de la theilériose bovine tropicale qui est la principale maladie affectant le cheptel bovin nord-africain. En 2008, lors d'un fort épisode de mortalité chez les bovins (notamment en plaine orientale), la présence du parasite avait déjà été suspectée en Corse mais les analyses s'étaient révélées négatives. Les vétérinaires doivent rester vigilants concernant l'émergence de la theilériose bovine tropicale car la tique vectrice du parasite (Hyalomma scupense) a étonnamment été trouvée en grande quantité en Corse.
La présence de nombreux agents zoonotiques dans les tiques collectées sur des animaux permet de suspecter l'existence de multiples réservoirs animaux en Corse.
Des agents pathogènes à fort impact en santé publique ont été identifiés. Borrelia afzelii responsable de la maladie de Lyme a ainsi été détectée pour la première fois dans des tiques en Corse. Les Rickettsia identifiées dans cette étude ne sont pas actuellement recherchées chez les patients corses suspectés de fièvre boutonneuse, une étude pilote devrait prochainement être menée pour savoir si elles circulent réellement chez l'homme.
Le virus CCHF n'a pour l'heure pas été détecté en Corse mais la maladie a récemment émergé en Espagne avec 3 cas autochtones. La principale tique vectrice du virus (Hyalomma marginatum) a été collectée sur une grande partie du territoire insulaire. Le tableau clinique de la fièvre hémorragique de Crimée Congo est parfois peu spécifique mais il peut aller jusqu’à une phase hémorragique et la mort dans 5 à 30% des cas. La maladie est asymptomatique chez l’animal (ongulés). Les recherches concernant le virus CCHF se poursuivent en Corse. Une étude en cours de publication a par ailleurs démontré la présence d'anticorps dirigés contre le virus CCHF chez les ruminants domestiques.
L'identification de l'ADN de 11 agents pathogènes dans les tiques devra être confirmée par des études sérologiques chez l'homme et l'animal ainsi que par leur isolement afin de caractériser le risque d'exposition des populations humaines et animales en Corse.
L'intégralité de l'article scientifique publié en octobre 2019 est téléchargeable ci-dessous.
SGA