Le 17 mai 2021
Les virus influenza porcins circulent en Corse
La grippe porcine, une quasi inconnue en Corse....
La grippe porcine est une infection virale hautement contagieuse du porc. La maladie se propage généralement très rapidement dans les élevages sans que pour autant tous les porcs infectés montrent des signes cliniques d’infection (fièvre, difficultés respiratoires, léthargie, anorexie et perte de poids principalement). La plupart des animaux se rétablissent dans un délai de 3 à 7 jours mais lorsque la grippe est exacerbée par des co-infections ou qu'elle se répète au sein de l’élevage, elle peut entrainer de lourdes pertes économiques, essentiellement dues à une diminution du gain de poids des animaux atteints.
Les virus influenza porcins (VIP), à l'origine de la grippe porcine, concernent doublement la santé publique : ils ont d’une part un caractère zoonotique avéré et d’autre part, les porcs ont un fort potentiel à servir d’hôtes permettant l’adaptation de virus d’origine aviaire aux mammifères. En 2009, lors de la célèbre pandémie grippale (épidémie qui a touché l'ensemble du globe), initialement appelée « grippe porcine » par l'OMS, un nouveau virus H1N1 a circulé chez l’homme (nommé H1N1pandémique aujourd'hui, H1N1pdm). Ce virus, qui n’avait jamais été détecté chez le porc avant d’être identifié chez l’homme, circule aujourd'hui dans de nombreuses populations porcines du monde entier, dont celles de la France continentale. Cette émergence a confirmé la nécessité de surveiller et d’étudier les virus en circulation chez le porc
La situation sanitaire du cheptel porcin insulaire est assez mal connue et aucune information n'était remontée jusqu'àen 2018 sur la présence de la grippe porcine. Ces virus sont suivis à l'échelle nationale par le réseau de surveillance des virus influenza porcins (Résavip) qui repose sur l'envoi de prélèvements (écouvillons nasaux) réalisés par des vétérinaires volontaires lors de l'observation d'un syndrome fébrile à l’un des laboratoires vétérinaires départementaux agréés. Jusqu’à présent, le faible suivi sanitaire de l'élevage porcin n'a pas permis l'envoi de prélèvements insulaires et donc l'identification de virus influenza en Corse. Cependant, une étude récente menée par l'Anses et l'Inra révèle que les virus influenza circulent dans le cheptel porcin insulaire et dans une moindre mesure chez les sangliers.
Plus de 25% des élevages porcins insulaires ont été exposés aux virus influenza
Le cheptel porcin corse est estimé à 50 000 têtes réparties dans près de 360 exploitations, mais seulement une centaine constituerait le revenu principal de son détenteur. En 2013, un peu plus de 9 000 porcs ont été abattus officiellement dans les différents abattoirs corses. Dans cette étude, ce sont 543 porcs provenant de 91 élevages localisés dans 56 communes qui ont été prélevés en 2013-2014 dans les quatre abattoirs afin de procéder à des analyses sérologiques (figure 1, A). Les positifs et les douteux en sérologie ELISA ont ensuite été analysés par tests d’inhibition de l’hémagglutination (IHA) afin de déterminer le sous-type viral incriminé parmi les quatre qui circulent le plus fréquemment en Europe et en France continentale : H1N1 avian-like (H1avN1), H1N1 pandemic-like (H1N1pdm), H1N2 et H3N2. Près de 300 sangliers ont également été prélevés (figure 1, D) afin de comparer la circulation des VIP entre les suidés domestiques et les suidés sauvages.
La séroprévalence est de 16,4% chez les porcs échantillonnés (n = 543) et le virus aurait circulé dans 24 élevages parmi les 91 testés (26,4%). Des animaux positifs ont été retrouvés dans 20 des 56 communes échantillonnées (figure 1, B).
Des anticorps dirigés contre deux sous-types viraux ont été identifiés dans la population de porcs corses : H1N1pdm et H1avN1. Des anticorps dirigés contre le sous-type H1N1pdm ont été retrouvés chez près de deux tiers des porcs positifs (66,2%) et dans 46% des exploitations alors que des anticorps dirigés contre le sous-type H1avN1 ont été identifié chez 15% des porcs positifs et dans 21% des élevages où le virus semble avoir circulé. Ainsi, le virus H1N1pdm apparaît avoir bien diffusé sur le territoire insulaire alors que le sous-type H1avN1 n’a été retrouvé qu’en Haute-Corse dans une zone limitée à l’Est de l’île (figure 1,C).
Des anticorps vis-à-vis des deux sous-types ont été retrouvés conjointement dans un seul élevage mais sur des animaux différents, et chez près de 18% des animaux positifs le sous-type n'a pu être déterminé.
Et chez le sanglier?
Sur les 279 sangliers prélevés durant quatre saisons de chasse (2009 à 2014) dans 25 communes de l'île, quatre prélèvements se sont révélés positifs, ce qui représente une séroprévalence apparente de 1,4% (Fig.1, D). Un sanglier était porteur d’anticorps vis-à-vis du sous-type H1N1pdm et chez un autre, ce sont des anticorps vis-à-vis du sous-type H1avN1 qui ont été identifiés (2 prélèvements étaient douteux : un pour le sous-type H1N2 et un pour le sous-type H1avN1).
La séroprévalence chez les sangliers est relativement faible. La forte proximité entre porcs et sangliers en Corse n’a eu qu’un impact modéré, confirmant ainsi le rôle mineur de cette espèce animale dans la circulation du virus.
Que retenir pour la Corse et quelle conduite à tenir ?
Les virus influenza circulent dans la population porcine insulaire sans que les acteurs locaux (éleveurs, vétérinaires, GDS, instances sanitaires, etc.) n'en aient connaissance par manque de suivi sanitaire du cheptel. Même si cette pathologie n'est certainement pas la plus redoutable que les porcs aient à affronter, combinée à d'autres telles que les mycoplasmes ou le SDRP (syndrome dysgénésique et respiratoire du porc), elle crée des pertes certaines pour les éleveurs porcins.
Actuellement, un seul vaccin est présent sur le marché français et européen : le RespiporcFlu3 produit et commercialisé par IDT-Biologika. Il s’agit d’un vaccin trivalent H1avN1, H1huN2, H3N2, à virus inactivés. Il pourrait être donc être utilisé dans les élevages insulaires où H1avN1 a été identifié. En France continentale, environ 30 à 40% des troupeaux de reproducteurs sont vaccinés.
Concernant le sous-type H1N1pdm, qui est le principal identifié dans le cheptel porcin corse, une AMM (autorisation de mise sur le marché) a été obtenue, mais le vaccin n’est pas encore commercialisé. Seul le traitement symptomatique combiné à des mesures de biosécurité (isolement des animaux atteints) est préconisé. La surveillance clinique et virologique, notamment par une relance du Résavip, permettra de confirmer les sous-types viraux qui circulent en Corse.
L'ensemble des résultats concernant les VIP en Corse est détaillé dans l'article publié dans Preventive Veterinary Medicine en juin 2018, téléchargeable en cliquant ci-dessous.
SGA